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Il va falloir s’y faire : ne plus appeler « Maître » cet avocat tonitruant, mais « Monsieur le Ministre ». « Dans quelques instants, je mettrai entre parenthèses mon métier d’avocat », déclarait ainsi Éric Dupond-Moretti, nouveau garde des Sceaux, lors de sa passation de pouvoir du 7 juillet 2020. Une chose est sûre, de par sa longue pratique des prétoires, le célèbre avocat sait déjà bien que « la justice peut être améliorée ». Mais il a un objectif : « garder le meilleur et changer le pire ».
Les dossiers qui attendent le garde des Sceaux ne manquent pas : justice des mineurs, violences faites aux femmes, encellulement individuel, révision constitutionnelle, réforme des retraites pour les avocats, etc.
Éric Dupond-Moretti a listé en quelques lignes les grands axes de son mandat :
Nicole Belloubet a rappelé, lors de son discours de passation, d’autres chantiers non aboutis. Parmi ceux-ci, la mission Perben sur l’avenir de la profession d’avocat (v. Retraite : les avocats obtiennent une revalorisation significative de l’aide juridictionnelle, Actualités du droit, 28 févr. 2020) mais aussi la juridiction environnementale et le droit pénal de l’environnement (v. Protection de l’environnement : des paroles aux actes ?, Actualités du droit, 12 févr. 2020 et v. Parquet européen et justice pénale spécialisée : peu de modifications par le Sénat en matière de justice environnementale, Actualités du droit, 26 févr. 2020).
Un message pour toute la « famille judiciaire »
Le programme est ambitieux mais le nouveau ministre a tenu à « adresser un message bienveillant à toute la famille judiciaire », soulignant à plusieurs reprises qu’il ne mène « de guerre à personne ».
N’étant pas un homme politique, mais plutôt « un homme de la société civile, je devrais même dire de la société pénale », Éric Dupond-Moretti affirme qu’il sera « le garde des Sceaux du dialogue » acceptant « la contradiction dont j’ai toujours été un fervent défenseur ».
Une nomination qui ne fait pas l’unanimité
Il est vrai que sa nomination a fait réagir de nombreux professionnels. Alors que Nicole Belloubet soulignait la nécessité d’avoir une « communauté judiciaire unie dans toutes ses composantes », les avis sont partagés.
Les avocats voient dans la nomination du célèbre avocat pénaliste un signe d’encouragement. Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, déclarait notamment : « J’y vois et j’en espère un signe d’apaisement avec les avocats et un signal fort pour la réhabilitation des libertés publiques. Place aux actes désormais ! ». Le Syndicat des avocats de France, « veut, pour sa part, voir dans la nomination d’un confrère qui a toujours défendu les libertés, l'oralité et la place de l'avocat dans le procès et qui a participé au combat contre la réforme des retraites un signe encourageant ».
Du côté des magistrats, le son de cloche est un peu différent. Alors que l’Union syndicale des magistrats (USM) dénonce « une déclaration de guerre à la magistrature » (AFP, 6 juill. 2020), le Syndicat de la magistrature pose « deux préalables impérieux à l’exercice de ses fonctions » :
Quoi qu’il en soit le ministre de la Justice l’assure : « la parole est aux actes » et donne un signal fort en se rendant, pour son premier jour de mandat, dans une prison française (au centre pénitentiaire de Fresnes précisément). À suivre…
Esquisse du programme d’Eric Dupond-Moretti, nouveau garde des Sceaux
Pénal - Pénal
07/07/2020
Éric Dupond-Moretti a été nommé garde des Sceaux le 6 juillet 2020, en remplacement de Nicole Belloubet. Indépendance de la Justice, secret professionnel des avocats, situation pénitentiaire, présomption d’innocence etc. Le point sur les grandes lignes du programme du tout nouveau ministre de la Justice.
Les dossiers qui attendent le garde des Sceaux ne manquent pas : justice des mineurs, violences faites aux femmes, encellulement individuel, révision constitutionnelle, réforme des retraites pour les avocats, etc.
Éric Dupond-Moretti a listé en quelques lignes les grands axes de son mandat :
- l’évolution de la magistrature « dans le sens d’une plus grande ouverture sur la société » et la révision de l’ordonnance de 1958 relative au statut des magistrats ;
- avancer sur l’indépendance de la Justice, affirmant qu’il souhaite « être le garde des Sceaux qui portera enfin lors d'un congrès la réforme du parquet tant attendue » ;
- veiller à ce que les enquêtes préliminaires restent « préliminaires et ne soient pas éternelles », le but étant de trouver un équilibre entre l’efficacité et le principe du contradictoire ;
- travailler sur la présomption d’innocence et le secret de l’enquête (rappelons qu’une mission a rendu un rapport sur le sujet, v. Didier Paris, député, rapporteur de la mission sur le secret de l’enquête et de l’instruction : « Toutes les informations devraient être communicables, à la réserve expresse qu’elles ne dépassent pas la ligne rouge », Actualités du droit, 17 déc. 2019 et v. Secret de l’enquête et de l’instruction : réforme en vue mais sans agenda, Actualités du droit, 24 févr. 2020) ;
- la mise en place d’une Justice plus proche du citoyen, notamment en assurant un meilleur accueil des victimes ;
- la restauration du secret professionnel des avocats ;
- la situation pénitentiaire ;
- et porter les différents projets en cours : la PMA (v. Bioéthique : le Sénat remanie largement le projet de loi, Actualités du droit, 4 févr. 2020), le Parquet européen (v. Parquet européen et justice pénale spécialisée : le texte adopté en première lecture par le Sénat, Actualités du droit, 5 mars 2020) ou encore le Code de justice pénale des mineurs (v. Le Code de justice pénale des mineurs arrive à l'Assemblée nationale, Actualités du droit, 4 nov. 2020 et v. Code de justice pénale des mineurs : à quand l’entrée en vigueur ?, Actualités du droit, 19 mai 2020).
Nicole Belloubet a rappelé, lors de son discours de passation, d’autres chantiers non aboutis. Parmi ceux-ci, la mission Perben sur l’avenir de la profession d’avocat (v. Retraite : les avocats obtiennent une revalorisation significative de l’aide juridictionnelle, Actualités du droit, 28 févr. 2020) mais aussi la juridiction environnementale et le droit pénal de l’environnement (v. Protection de l’environnement : des paroles aux actes ?, Actualités du droit, 12 févr. 2020 et v. Parquet européen et justice pénale spécialisée : peu de modifications par le Sénat en matière de justice environnementale, Actualités du droit, 26 févr. 2020).
Rappelons qu’actuellement et jusqu’aux vacances parlementaires, 15 textes sont débattus par le Parlement (v. Session extraordinaire du Parlement : 15 textes au programme, Actualités du droit, 16 juin 2020). Parmi eux, plusieurs touchent au monde de la Justice :
- le projet de loi relatif à la bioéthique ;
- la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales ;
- la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine ;
- la proposition de loi visant à homologuer des peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie.
- le projet de loi relatif à la bioéthique ;
- la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales ;
- la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine ;
- la proposition de loi visant à homologuer des peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie.
Un message pour toute la « famille judiciaire »
Le programme est ambitieux mais le nouveau ministre a tenu à « adresser un message bienveillant à toute la famille judiciaire », soulignant à plusieurs reprises qu’il ne mène « de guerre à personne ».
N’étant pas un homme politique, mais plutôt « un homme de la société civile, je devrais même dire de la société pénale », Éric Dupond-Moretti affirme qu’il sera « le garde des Sceaux du dialogue » acceptant « la contradiction dont j’ai toujours été un fervent défenseur ».
Une nomination qui ne fait pas l’unanimité
Il est vrai que sa nomination a fait réagir de nombreux professionnels. Alors que Nicole Belloubet soulignait la nécessité d’avoir une « communauté judiciaire unie dans toutes ses composantes », les avis sont partagés.
Les avocats voient dans la nomination du célèbre avocat pénaliste un signe d’encouragement. Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, déclarait notamment : « J’y vois et j’en espère un signe d’apaisement avec les avocats et un signal fort pour la réhabilitation des libertés publiques. Place aux actes désormais ! ». Le Syndicat des avocats de France, « veut, pour sa part, voir dans la nomination d’un confrère qui a toujours défendu les libertés, l'oralité et la place de l'avocat dans le procès et qui a participé au combat contre la réforme des retraites un signe encourageant ».
Du côté des magistrats, le son de cloche est un peu différent. Alors que l’Union syndicale des magistrats (USM) dénonce « une déclaration de guerre à la magistrature » (AFP, 6 juill. 2020), le Syndicat de la magistrature pose « deux préalables impérieux à l’exercice de ses fonctions » :
- la suppression des remontés d’informations qui sont des informations synthétisées par les parquets généraux sur certaines procédures en cours ;
- l’annulation de la mission confiée à l’IGJ sur l’enquête préliminaire menée par le PNF (v. Qui est l’Inspection générale de la justice saisit par la garde des Sceaux dans l’affaire des « écoutes » ?, Actualités du droit, 3 juill. 2020) car le nouveau garde des Sceaux constitue « le destinataire de cette enquête et le décisionnaire final ».
Quoi qu’il en soit le ministre de la Justice l’assure : « la parole est aux actes » et donne un signal fort en se rendant, pour son premier jour de mandat, dans une prison française (au centre pénitentiaire de Fresnes précisément). À suivre…